LES MILICES TYROLIENNES ET ANDREAS HOFER


Le Retour des partisans tyroliens en 1809,

huile sur toile de F.Defregger  1876.
Alte Nationalgalerie, Berlin

 

LES MILICES TYROLIENNES ET ANDREAS HOFER

 

Un édit daté de 1511 oblige les Tyroliens de 18 à 60 ans à former une milice en cas d'invasion.

Cette milice est levée pour la première fois en 1703 à l’occasion de la Guerre de Succession d’Espagne. C’est un succès et ce système se développant au Tyrol, les

hommes âgés de 18 à 40 sont mobilisables dans les compagnies de tirailleurs (Schützen) et ceux de 40 à 60 ans dans la réserve territoriale (Landsturm). Ils sont tenus de s'entraîner au tir tous les dimanches, élisent leurs officiers mais ne peuvent être déployés en dehors du Tyrol.

En 1796, à la suite de la Campagne d’Italie, les Tyroliens affrontent les Français commandés par le général Joubert qui est battu. Ne portant que leurs tenues de paysans ceux capturés par les Français sont fusillés comme francs-tireurs. Les Tyroliens adoptent alors une sorte d'uniforme basé sur leurs costumes civils de tous les jours à partir de 1799 dont les milices actuelles sont toujours vêtues, avec des variantes pour se distinguer les unes des autres.

Aujourd’hui, leurs tenues n’ayant pas changé, quand 30 ou 40 compagnies se rassemblent, le spectacle en vaut la peine ! Ces rassemblements ont lieu à la belle saison et donnent lieu à d’importantes libations de bière et dégustations de saucisses. Et pas de touristes en vue !

Chaque village compte aujourd’hui encore une compagnie de tirailleurs ou chasseurs (Schützen) avec ses cantinières pourvoyeuses de « Schnaps ».On ne rigole pas avec les munitions.

 

Parallèlement, chaque village, même tout petit, s’enorgueillit d’avoir sa fanfare « Musikkapelle » qui défile avec les chasseurs ou donne des concerts séparément.

La musique, au Tyrol, est un élément important et bien sympathique de sa vie.

L’armement n’est plus celui du temps de Napoléon mais est en général rescapé de la Première Guerre Mondiale, du genre mousqueton des troupes de montagne.

C’est l’an 1809 qui sert de référence à toutes les manifestations des compagnies, bataillons ou régiments. Les dénominations sont toujours françaises et certains ordres s’y donnent en Français.

 

Mais que l’on ne se méprenne pas, les Musikkapellen, les Schützen et les Landsturm ne sont pas des groupes folkloriques ou de reconstitution historique, ils sont des éléments de la vie quotidienne des communes tyroliennes, les membres des conseils municipaux (Gemeinde et Rathaus) ayant à cœur d’y avoir leur place.


 

Ces rassemblements qui peuvent réunir des centaines, voire de milliers de participants, sont sans équivalents ailleurs et sont sans aucun lien avec le tourisme ou la mode. Ils sont le lien entre les 3 Tyrols, Ouest, Est et Sud italien.

Il y a un hymne, officieux bien entendu, que l’on joue régulièrement à la fin de chaque fête, « Dem Land Tirol Die treue ». On peut l’écouter sur YOUTUBE, légèrement censuré au point de vue des paroles pour des raisons de voisinage avec l'Italie

 

 

En 1805, à la suite du traité de Presbourg, le Tyrol jusqu’à Trento dans la vallée de l’Adige en Italie, est rattaché au royaume de Bavière. La politique malencontreuse de son roi, Maximilien Ier allié à l’Empire français, provoque de graves troubles dès l’année suivante. Rébellion qui mène à l’invasion de la Bavière par les armées autrichiennes en 1809, commandées par l’Archiduc Charles. Le Tyrol avait été divisé en 3 départements avec disparition du nom Tyrol, une persécution contre l’église catholique, une conscription et des impôts rejetés massivement par la population qui ne demandait qu’à rester ce qu’elle était, c’est-à-dire « tyrolienne » et fidèle sujette de l’Empereur d’Autriche.

 

Les Français alliés de la Bavière interviennent et ce sont des batailles avec des hauts et des bas pendant l’essentiel de l’année 1809. Batailles qui mettent en cause principalement Bavarois, quelques Saxons, Autrichiens et surtout milices tyroliennes. Le rôle des Français se bornant au commandement (Maréchal Lefèbvre qui se fera tirer les oreilles par Napoléon, Baraguey d'Hilliers, Eugène de Beauharnais et bien d’autres noms connus). Les Tyroliens ne disposant pas d’armée régulière, ce sont les milices qui assurent le gros des combats avec à leur tête le dynamique aubergiste ANDREAS HOFER, devenu depuis héros national. Les combats toucheront principalement les vallées de l’Inn et de l’Adige. Si le Tyrol arrivera à être conquis entièrement par les milices à certains moments, la citadelle de Kufstein dans la vallée de l’Inn, tenue par les Bavarois, ne le sera jamais.

Fin 1809 la révolte est terminée, avec le retour du Tyrol à la Bavière. La victoire française de Wagram les 5 et 6 juillet avait bien facilité les choses et laissé peu de choix aux Austro-Tyroliens pour la suite de cette rébellion. Cette défaite autrichienne sapera le moral et provoquera l’effritement des miliciens qui regagneront peu à peu leurs foyers.

 

En février 1810 le courageux aubergiste, abandonné par ses partisans et refusant toute amnistie, préférera combattre jusqu’à la mort pour ne pas trahir son serment de fidélité envers son Empereur. Qui, après lui avoir tout promis, le laissera tomber sans le moindre scrupule. Andreas Hofer dénoncé par un des siens sera fusillé au Sudtirol par des troupes italiennes sur ordre de Napoléon qui avait accordé son pardon une fois… mais pas deux.

 

Un grand et magnifique musée, « das Tirol Panorama » (Der Bergisel und das Kaiserjägermuseum), commémore les batailles de la colline du Bergisel en 1809 pour la possession d’Innsbruck qui sera prise et reprise plusieurs fois. Une fresque circulaire monumentale en est le centre. Les uniformes des différents combattants y sont parfaitement figurés et Andreas Hofer honoré.

Le musée présente également des salles sur le front italien pendant la Première Guerre Mondiale. Si vous passez par Innsbruck ne manquez surtout pas d’y faire une visite ainsi qu’à la guinguette située juste au dessous, la Bierstindl (Kulturgasthaus) spécialisée dans la bière bavaroise et les saucisses comme il se doit. Le musée est situé au pied du tremplin olympique et accessible en tram depuis le centre ville ou la gare, mais on peut s’y rendre à pied car Innsbruck n’est pas très étendue et le stationnement peu aisé.


Après l'historique, place aux photos.

 INNSBRUCK EN 2018 –

Vue depuis la colline du BERGISEL où se trouve le musée DAS TIROL PANORAMA. Aujourd’hui le tram arrive dans la partie plate entre les deux églises où se trouve le départ de la route qui monte au col du Brenner.

 

 INNSBRUCK 13/14 AOUT 1809 au moment de la 3e bataille, vue du BERGISEL.

Les Bavarois sont dans les champs devant les 2 églises, les Tyroliens tiennent la hauteur et bien abrités les tirent comme à l’entraînement.

ANDREAS HOFER.

ANDREAS HOFER à la 3e bataille d’Innsbruck avec son état major et toujours accompagné d’un religieux.


 

ANDREAS HOFER.

Portrait le plus connu du héros national. Comparer sa tenue avec celles des chasseurs (Schützen) actuels.

 PANORAMA -

Détail de la grande fresque circulaire du musée. On aperçoit la vallée de l’Inn en arrière plan. Les Bavarois sont sous le feu des modestes canons tyroliens.

PANORAMA

CANON – Détail du PANORAMA 3e bataille d’Innsbruck.


 PANORAMA

  Fresque de la 3e bataille d’Innsbruck. Une cantinière sert un verre de remontant à un combattant blessé, sous le feu des Bavarois.

La peinture circulaire fait bien dans les 30 m de long sur 3 m de haut

PANORAMA

 

Prisonniers bavarois en arrière plan.

PANORAMA

 

 

 Gros plan sur la cantinière.

 

PANORAMA

Charge des Tyroliens qui bousculent les Bavarois reconnaissables à leur casque à « chenille » sur les pentes du BERGISEL.


 

 

 

 

 

 

 CANONNIERS miliciens ouvrant le feu lors d’un rassemblement du régiment de la vallée de l’Oetztal à Imsterberg en 2018.

 

 

 

 

 

 

 

Détail des canonniers.

 

CANON et équipement d’époque de canonniers.

 

 ON A FORMÉ LES FAISCEAUX.

Fusils équipant en majorité les compagnies

actuelles.

Tous les combattants n’étaient pas équipés d’armes à feu.

Une grande partie utilisaient des outils de paysans modifiés ou non, mais tous parfaitement redoutables : faux, fléaux, casse-têtes, piques


 

 

 

 

 

 

 

MILICIEN armé d’un fusil de 1809.

 

 

 

 

 

 

CANTINIÈRE avec son tonnelet de Schnaps.

 

Elle tient à la main plusieurs petits verres en métal et une petite serviette pour essuyer leur bord une fois que chaque client a bu. Hygiène d’abord. Pour les microbes pas d’inquiétude,aucun ne résiste au Schnaps. Les tonnelets sont pleins et finissent vides le soir… Et comme il y a plusieurs cantinières par compagnie !

 

 

 RÔLE DES FEMMES.

Outre la cantinière et son indispensable tonnelet, on peut remarquer d’autres aimables femmes armées d’objets dangereux. Si ces braves personnes ne combattaient pas en première ligne, elles aidaient en achevant les blessés ou en massacrant les prisonniers. Leurs époux n’avaient qu’à bien se tenir.

 

 DRAPEAU DE LA VILLE DE LANDECK

 

Chaque compagnie a au moins un étendard ou bannière.

En 1809 la petite ville de Landeck, dans la vallée de l’Inn entre Imst et St Anton am Arlberg, se situait dans la partie la plus pauvre du Tyrol. Aujourd’hui fort heureusement les choses ont bien changé. Mais j’ai connu personnellement ce coin après la guerre et l’heure du repas n’était pas un moment de plaisir intense.

LES VIEUX DE LA VIEILLE.

 

Que l’on ne s’y trompe pas, bien qu’âgés ils ne craignent personne pour le tir. L’entraînement ne faiblit jamais.


 

PRÉSENTATION DES ETANDARDS

lors d’un rassemblement géant. Des milliers de miliciens venant du Tyrol, d’Italie, de Bavière et du Lichtenstein.

 

SALUT.

Les milices n’étant pas des troupes régulières elles ne sont pas tenues à la même rigueur. Certaines compagnies saluent de la main gauche, d’autres de la main droite.

 Une belle brochette de tonnelets

 

L’après défilé de cette Musikkapelle sera rude.


 

 TRADITION

est le maître mot sans cesse répété dans la moindre manifestation. Ici défilé d’une « Kompagnie » photographiée déjà par moi-même en 1955 à St Anton am Arlberg. Peu de choses ont changé si ce n’est que les participants sont beaucoup plus nombreux aujourd’hui.


Mise en page: Alain Barniaud

Texte: Bernard Landrin

Photos: Bernard Landrin